Le nouvel observateur
janvier 2004, par Références
//janvier 2004 - n° 2044 Développement personnel : La nouvelle quête du mieux-être
Des armes et des mots
Il faut apprendre à se servir du langage de façon « non violente »et éviter les mots qui nous coupent des autres et de la vie
C’est paradoxalement en se confrontant aux délinquants que le psychologue Carl Rogers élabore, dans les années 1940, sa conception humaniste du psychisme. Contre Freud et son « ça obscur » plein de pulsions mauvaises refoulées, il affirme que le subconscient renferme les ressources vitales et créatives de l’être. Le mal-être, la violence sont le résultat d’une méconnaissance de nos besoins profonds. Elève de Rogers, Marshall Rosenberg, psychologue clinicien, arpente depuis trente-cinq ans les lieux les plus troublés par les guerres, les génocides, les crimes. Comme Rogers, Rosenberg croit pourtant fermement que notre nature profonde est bienveillante. D’où vient alors que nous soyons si brutaux ? « De notre façon même de communiquer, répond Rosenberg. Nous cataloguons et jugeons, nous utilisons les mots pour nier notre responsabilité, et pour menacer. » Cette façon de se servir du langage nous « coupe de la vie ». Rosenberg a mis au point une méthode très simple de communication qui permet au contraire de nous « relier à la vie » : il faut descendre en nous-mêmes au contact de nos vrais besoins, afin d’établir une connexion authentique avec les besoins de l’autre [1]. « Nous avons tous les mêmes besoins, martèle Rosenberg, c’est pourquoi nous pouvons éprouver de l’empathie et nous entendre. Nous divergeons au niveau de la pensée. Au niveau de la stratégie, nous pouvons même nous entre-tuer. » Il ne s’agit donc pas tant d’apprendre la compassion que de désapprendre tout ce qui nous en éloigne.
Depuis la fondation en 1984 du Centre pour la Communication non violente (CCNV), Rosenberg a formé des milliers de personnes dans plus de 30 pays : dans les prisons, les écoles, les hôpitaux, les églises, les instances politiques. La Commission européenne sponsorise des programmes en Serbie, en Israël et en Palestine. Fondée en 1991, l’Association française de CNV [2] a formé 3000 personnes. Elle propose formation, conseil et médiation aux collectivités locales, écoles, entreprises, institutions publiques et aux particuliers. La méthode est très utile aux travailleurs sociaux confrontés à des populations difficiles. Dans les hôpitaux, une formation délivrée par Pascale Molho, médecin, améliore les relations au sein des équipes soignantes et favorise le processus de guérison des patients. Le livre de Thomas d’Ansembourg [3], qui s’arrache en librairie, explique comment la CNV permet d’ « être avec les autres tout en restant soi-même ».
Ursula Gauthier